Depuis quelques temps, je consulte de vieux ouvrages historiques ayant trait au cuir en général. Il est intéressant d'y recueillir le savoir des anciens, des techniques, l'historique du métier, mais aussi des anecdotes insolites. Je vous proposerais régulièrement ces compte rendus de lecture.
Le premier ouvrage lu est dénommé : "Le Cuir", écrit par M. Lamay et publié en 1896 par M. Henri Gautier, au rythme d'un ouvrage différent tous les 15 jours dans la collection "Bibliothèque Scientifique des Écoles des Familles".
L'Araxes traverse l'Arménie, la Turquie, l'Azerbaïdjan et l'Iran, avant de se jeter dans la mer Caspienne.
Monsieur Lamay distingue 3 sortes de cuirs :
- Les cuirs tannés, traités au tanin.
- Les cuirs mégissés, préparés à l'aide de sels minéraux.
- Les cuirs chamoisés, préparés à l'aide de matières grasses.
Les peaux, désormais chamoisées, passent au palissonnage.
Puis il détaille les usages spécifiques pour certains cuirs. Ainsi, Les peaux du bœuf, du buffle, du taureau, servent à la fabrication des cuirs forts pour semelles, équipements militaires, capotes de voitures. Le cheval et le mulet sont employés à faire des harnais, des tabliers. L'éléphant, le rhinocéros, l'hippopotame, la baleine, le marsouin donnent un cuir raide utilisé en mécanique. Les peaux de mouton, de chèvre, sont utilisées dans la maroquinerie, dans la reliure et pour la cordonnerie fine. Les peaux de chamois, de chevreuil, de daim, traitées par le tannage aux corps gras servent pour nettoyer l'argenterie, pour garnir les touches de piano, pour la confection des objets de tabletterie.
Il précise que l'on tanne encore la peau de l'âne, du cochon, du chien, du sanglier, de l'ours, du loup, du rat, du cerf, du daim. Et qu'enfin, les peaux du cygne, de l'agami, de l'autruche, de la vipère, du boa constrictor, de l'alligator, du phoque, de l'anguille, sont employées dans les petites industries diverses, rangées sous les noms de bimbeloterie, maroquinerie, tabletterie, etc...
Agami, oiseau des forêts primaires d'Amazonie. Il est assez fréquent en Guyane, sauf dans la région côtière.
Il y ajoute deux anecdotes insolites :
"On tannait autrefois la peau du lion qui était recommandée par les empiriques contre la gravelle et les maux de reins. Parmi les ceintures faites de ce cuir et mentionnées dans les inventaires royaux on cite celles que possédait le roi Charles V et qui étaient ornées de pierreries du plus grand prix."
"Dans cette longue énumération nous allions oublier le roi de la création. La peau de l'homme a excité la convoitise des tanneurs, et surtout des amateurs, s'il faut en croire la marquise de Créqui, qui, dans ses mémoires, cite la tannerie de Meudon comme ayant le monopole de cette fabrication macabre, ce qui donnerait à penser que la peau humaine était d'un usage assez courant au siècle dernier, siècle de la fantaisie."
Cette dernière anecdote, aussi fantaisiste qu'elle puisse paraitre, mérite un article à elle seule. J'ai trouvé de nombreuses références à celle-ci, et vous ferez un historique détaillé.
Sur le tannage proprement dit, M. Lemay donne les temps d'attente suivants : " Une peau ordinaire reste de deux à trois mois dans la première fosse, de quatre à cinq mois dans la deuxième, de trois à quatre mois dans la troisième, cela donne une moyenne de neuf à douze mois pour un tannage effectué dans les conditions normales. Une peau de bœuf ou de buffle demande dix-huit à vingt mois, tandis qu'il-faut trois ans pour tanner une peau d’éléphant et six ans pour la peau de la vache marine."
Il mentionne aussi la qualité des cuirs : "La bonne qualité d'un cuir tanné se reconnaît à la coupe, et cette coupe est de préférence effectuée sur les parties les plus épaisses de la peau telles que la culée, la gorge ou le dos. Un cuir bien préparé doit présenter intérieurement l'aspect d'une muscade ouverte, la couleur doit être uniforme excepté sur la fleur, le nerf doit être serré. Au contraire un cuir dont la fabrication n'a pas été parfaite offre un tissu lâche et inégal, sa coupe jaunâtre est sillonnée de raies brunes ou blanches. Les vérificateurs de fournitures militaires et les négociants emploient un procédé fort simple pour juger de la qualité des cuirs : il consiste à faire tomber une goutte d'eau sur la fleur. Si cette goutte au-lieu de s'étendre et de s'absorber garde sa forme elliptique, il y a beaucoup de chances pour que la fabrication soit parfaite."
Il est intéressant de constater qu'à l'époque, les techniques ne sont pas figées. Au contraire, chacun y va de ses expériences.
"En France, les premiers essais de tannage minéral furent tentés en 1840 par Darcey qui tannait au sulfate de peroxyde de fer, mais son procédé fut accueilli sans enthousiasme. En 1856 Friedel proposa l'oxyde de zinc et d'alumine. Ce nouveau mode de tannage n'attira l'attention des tanneurs qu'en 1858, après que Knapp eut renversé l'ancienne théorie pour lui en substituer une autre basée sur des expériences personnelles, et qu'il eut inventé le tannage minéral aux sels basiques dans lequel le principe tannant est représenté par un sel basique d'oxyde de fer. On compte encore le tannage à la pyrofuchsine présenté par M. Remisch. Ce procédé, outre qu'il est très compliqué, n'a jusqu'à présent donné que des résultats peu satisfaisants, on lui préfère en Allemagne le procédé Heinzerling aux sels de chrome qui donne de fort beaux produits. M. Slarck, de Mayence, a obtenu un cuir transparent d'une extrême solidité qui sert à fabriquer d'excellentes courroies."
Ouvrage publié en Angleterre en 1606, et relié en peau humaine.
Sur le tannage proprement dit, M. Lemay donne les temps d'attente suivants : " Une peau ordinaire reste de deux à trois mois dans la première fosse, de quatre à cinq mois dans la deuxième, de trois à quatre mois dans la troisième, cela donne une moyenne de neuf à douze mois pour un tannage effectué dans les conditions normales. Une peau de bœuf ou de buffle demande dix-huit à vingt mois, tandis qu'il-faut trois ans pour tanner une peau d’éléphant et six ans pour la peau de la vache marine."
Il mentionne aussi la qualité des cuirs : "La bonne qualité d'un cuir tanné se reconnaît à la coupe, et cette coupe est de préférence effectuée sur les parties les plus épaisses de la peau telles que la culée, la gorge ou le dos. Un cuir bien préparé doit présenter intérieurement l'aspect d'une muscade ouverte, la couleur doit être uniforme excepté sur la fleur, le nerf doit être serré. Au contraire un cuir dont la fabrication n'a pas été parfaite offre un tissu lâche et inégal, sa coupe jaunâtre est sillonnée de raies brunes ou blanches. Les vérificateurs de fournitures militaires et les négociants emploient un procédé fort simple pour juger de la qualité des cuirs : il consiste à faire tomber une goutte d'eau sur la fleur. Si cette goutte au-lieu de s'étendre et de s'absorber garde sa forme elliptique, il y a beaucoup de chances pour que la fabrication soit parfaite."
Il est intéressant de constater qu'à l'époque, les techniques ne sont pas figées. Au contraire, chacun y va de ses expériences.
"En France, les premiers essais de tannage minéral furent tentés en 1840 par Darcey qui tannait au sulfate de peroxyde de fer, mais son procédé fut accueilli sans enthousiasme. En 1856 Friedel proposa l'oxyde de zinc et d'alumine. Ce nouveau mode de tannage n'attira l'attention des tanneurs qu'en 1858, après que Knapp eut renversé l'ancienne théorie pour lui en substituer une autre basée sur des expériences personnelles, et qu'il eut inventé le tannage minéral aux sels basiques dans lequel le principe tannant est représenté par un sel basique d'oxyde de fer. On compte encore le tannage à la pyrofuchsine présenté par M. Remisch. Ce procédé, outre qu'il est très compliqué, n'a jusqu'à présent donné que des résultats peu satisfaisants, on lui préfère en Allemagne le procédé Heinzerling aux sels de chrome qui donne de fort beaux produits. M. Slarck, de Mayence, a obtenu un cuir transparent d'une extrême solidité qui sert à fabriquer d'excellentes courroies."
"Le premier perfectionnement à la fabrication des cuirs fut proposé en 1823 par un Anglais, Francis Spitebury qui refoulait la liqueur tannante à travers les peaux à l'aide de fortes pressions. En 1831, sir William Drake introduisit une modification à ce procédé en imaginant de coudre deux peaux ensemble à la façon d'un filtre presse, la liqueur tannante étant injectée dans cet espace clos. En 1826, deux tanneurs anglais prirent un nouveau brevet pour hâter l'imprégnation des peaux. Celles-ci étaient suspendues dans une cuve hermétiquement fermée dans laquelle on pouvait faire le vide à l'aide d'instruments pneumatiques. Les tissus étaient plus rapidement gonflés et le tan pénétrait ainsi plus vite dans les fibres. L'action de l'électricité est jusqu'à présent contestée, car les quelques brevets qui ont été pris dans cette voie se sont montrés d'une application peu pratique; la chaleur au contraire serait un agent puissant dans la fabrication des cuirs si les produits obtenus n'étaient pas de qualité manifestement inférieure. Un industriel avait inventé, il y a quelques années, d'utiliser le vide et la lumière combinés. Son procédé qui avait peut être du bon fut mal accueilli des tanneurs, on le ridiculisa même en lui donnant le nom de « Procédé des cuves lumineuses ». L'inventeur s'est sans doute découragé, car l'on n'a plus entendu reparler de ce projet dont l'idée, quelque peu fantaisiste de prime abord, aurait peut-être donné les meilleurs résultats."
Les maladies spécifiques aux tanneurs font l'objet d'un chapitre entier.
" [...] Ils sont, il est vrai, sujets à quelques maladies telles que la pustule maligne ou charbon, les panaris, le choléra des doigts, les phlegmons, etc... , affections qui ont beaucoup perdu de leur gravité depuis la découverte de l'antisepsie. Parmi elles un certain nombre sont spéciales aux ouvriers des tanneries, tel, par exemple, le rossignol ou pigeonneau, dont le nom dit à lui seul la verve ironique qui, chez l'ouvrier français, s'exerce en toutes circonstances. C'est une sorte de petit pertuis, comme découpé à l’emporte-pièce, et dont les bords blancs, livides, laissent échapper une exsudation constante de gouttelettes de sang. Quant aux douleurs que cause cette plaie, on ne saurait mieux les définir qu'en les comparant à un mal de dents qui siégerait au bout des doigts. Chaque fois que l'ouvrier plonge ses mains dans l'eau additionnée de chaux, il éprouve une sensation si forte et si douloureuse qu'il laisse échapper des cris, d'où le nom de rossignol donné à ce mal qui, d'ailleurs, n'offre aucune gravité. Par contre, quelques autorités médicales étrangères ont prétendu, après des recherches minutieuses commencées vers 1830, que les tanneurs jouissent d'une immunité assurée contre les affections pulmonaires, parce que les vapeurs de tan possèdent selon eux, une influence qui éloigne ou enraye la tuberculisalion."
Ces petits extraits sont à lire avec le regard et le savoir de l'époque. Il est intéressant de comparer ce que les gens de l'époque savaient et ce que nous même avons retenu.
Les maladies spécifiques aux tanneurs font l'objet d'un chapitre entier.
" [...] Ils sont, il est vrai, sujets à quelques maladies telles que la pustule maligne ou charbon, les panaris, le choléra des doigts, les phlegmons, etc... , affections qui ont beaucoup perdu de leur gravité depuis la découverte de l'antisepsie. Parmi elles un certain nombre sont spéciales aux ouvriers des tanneries, tel, par exemple, le rossignol ou pigeonneau, dont le nom dit à lui seul la verve ironique qui, chez l'ouvrier français, s'exerce en toutes circonstances. C'est une sorte de petit pertuis, comme découpé à l’emporte-pièce, et dont les bords blancs, livides, laissent échapper une exsudation constante de gouttelettes de sang. Quant aux douleurs que cause cette plaie, on ne saurait mieux les définir qu'en les comparant à un mal de dents qui siégerait au bout des doigts. Chaque fois que l'ouvrier plonge ses mains dans l'eau additionnée de chaux, il éprouve une sensation si forte et si douloureuse qu'il laisse échapper des cris, d'où le nom de rossignol donné à ce mal qui, d'ailleurs, n'offre aucune gravité. Par contre, quelques autorités médicales étrangères ont prétendu, après des recherches minutieuses commencées vers 1830, que les tanneurs jouissent d'une immunité assurée contre les affections pulmonaires, parce que les vapeurs de tan possèdent selon eux, une influence qui éloigne ou enraye la tuberculisalion."
Ces petits extraits sont à lire avec le regard et le savoir de l'époque. Il est intéressant de comparer ce que les gens de l'époque savaient et ce que nous même avons retenu.
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